Critique: Regarde les lumières mon amour d'Annie Ernaux

Dans ce court essai journalier, Annie Ernaux documente ses expériences dans un supermarché de France. Lors de chacune de ses visites pendant près d'un an, elle note, observe, analyse différents éléments d'un lieu commun à tant de personnes.

Critique: Regarde les lumières mon amour d'Annie Ernaux
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Décidément, c’est le mois de la découverte d’Annie Ernaux. Après avoir lu Mémoire de fille, je me suis lancée dans la lecture de son avant-dernier livre, Regarde les lumières mon amour. Dans celui-ci, Ernaux fait état de sa relation à ce qu’elle appelle l’hypermarché, ce qu’on appellerait communément une épicerie à grande surface ou un superstore. Ses observations sont sans limites: elle commente sur l’apparence et le comportement des autres, sur les produits à l’étalage, sur la publicité et les rythmes de ventes. Elle regarde, réfléchit, et trace des parallèles entre cet endroit où tout un chacun doit s’approvisionner, et leur état émotionnel. Le plus intéressant, ce sont ses commentaires sociaux où elle remarque la piètre qualité des produits en vente dans l’épicerie qu’elle fréquente, le magasin Auchan. Elle souligne les liens avec les usines du Bangladesh qui brûlent, s’effondrent, et tuent les gens qui fabriquent des vêtements à petits prix. Voici un extrait qui en fait état. «Mercredi 28 novembre: Un incendie a ravagé une usine textile au Bangladesh, 112 personnes sont mortes, en majorité des femmes, qui travaillaient pour un salaire de 29,50$ euros par mois. Le bâtiment comportait neuf étages, il n’aurait pas dû dépasser trois. Les ouvriers ont été piégés à l’intérieur sans pouvoir sortir. Cette usine, Tazreen, fabriquait des polos, tee-shirts, etc. pour Auchan, Carrefour, Pimkie, Go Sport, Cora, C&A, H&M. Évidemment, hormis des larmes de crocodile, il ne faut pas compter sur nous qui profitons allègrement de cette main-d’oeuvre esclave pour changer quoi que ce soit. La révolte ne viendra que des exploités eux-mêmes, de l’autre bout du monde. Même les chômeurs français victimes des délocalisations sont bien contents de pouvoir s’acheter un tee-shirt à 7 euros.»

4/5 Regarde les lumières mon amour d’Annie Ernaux