Quelques pièges à éviter pour la communauté franco-ontarienne
La semaine dernière, des élèves et étudiant.e.s franco-ontariens se sont rendus à Queen's Park pour demander de l'action du gouvernement de l'Ontario quant au projet de l'Université franco-ontarienne. Le même jour, à 100 km de là, des étudiant.e.s et membres de la communauté de l'Université Laurentienne, campus de Barrie, se sont mobilisés pour occuper les bureaux de l'administration. Les étudiant.e.s demandent le droit de compléter leurs programmes d'étude parce qu'une annonce vient de leur apprendre la nouvelle: leur campus fermera ses portes.
Il est inquiétant que l’Université Laurentienne, qui offre des programmes en français à Sudbury, ne puisse maintenir ses services à Barrie, une ville avec la plus grande croissance en Ontario. Ce contraste entre la demande pour une nouvelle université et la fermeture d’un campus en dit long sur l’état de l’éducation postsecondaire en Ontario. La communauté franco-ontarienne a avantage à évaluer le contexte économique et politique actuel dans la formulation de ses demandes afin d’éviter un recul pour les étudiant.e.s de la province, tant francophones qu’anglophones.
1. Les libéraux ne sont pas amis des étudiant.e.s
Au cours des 10 dernières années, les différents gouvernements libéraux n’ont rien fait pour augmenter l’accès à l’éducation, tout le contraire. La formule de financement des universités en vigueur depuis 2009-2010 a eu comme résultat une hausse faramineuse des droits de scolarité. De plus, le gouvernement libéral a donné son appui au projet de l’Université Laurentienne d’ouvrir un campus à Barrie, sans avoir les moyens d’assurer son succès, au détriment des étudiants. Si le gouvernement de Kathleen Wynne agit sur la question d’une nouvelle université, ce sera davantage pour nourrir une relation de longue date entre la communauté francophone et le Parti libéral de l’Ontario, que pour permettre une réelle avancée des étudiant.e.s.
2. L’Université est en crise
Mise à part la question des droits de scolarité qui ont rendu l’éducation en Ontario hors de la portée de bon nombre d’étudiants (francophones, anglophones et en provenance d’autres communautés linguistiques), l’Université comme institution connaît des moments difficiles. La tension est vive entre la définition historique de l’Université comme haut lieu du savoir et de l’apprentissage et la vision moderne plus mercantile de l’Institution comme étant un établissement de formation pour la pratique d’emplois spécifiques. Le mouvement étudiant reconnaît cette tension comme étant la commercialisation et la corporatisation des campus universitaires, une tendance qui donne la primauté à la poursuite des profits plutôt qu’à la quête du savoir. Dans ce contexte, peu importe la forme que prendrait une éventuelle université franco-ontarienne telle que présentée par le gouvernement libéral, elle serait loin de l’idéal d’un lieu de rencontre et de partage de la culture tant souhaité par la communauté.
3. Un système à deux vitesses
Par conséquent, une institution dévouée à la communauté franco-ontarienne existerait donc dans la marge, et en conflit avec les institutions de renommée qui existent déjà en Ontario. Comme d’autres petits établissements d’éducation postsecondaire, elle aurait du mal à s’établir comme chef de file dans une discipline quelconque, et serait dévalorisée et sous-financée. Bien que la grandeur et la réputation internationale d’un établissement ne devrait pas affecter la qualité de l’éducation, la formule de financement maintenue et promue par le gouvernement de l’Ontario laisse peu de doute qu’il en serait ainsi. Étant donnée cette réalité, la question se pose: la communauté veut-elle une éducation de qualité moindre pour ses étudiants.e.s?
Lors de la couverture médiatique de la journée d’action pour une université franco-ontarienne, Radio-Canada a mis de l’avant un sondage populaire pour déterminer l’option préférée des franco-ontariens quant à la forme que prendrait leur université. Une question fondamentale était absente de ce sondage: si le projet va de l’avant, quel modèle d’université franco-ontarienne assurera un financement adéquat du gouvernement, et offrira un accès universel à l’éducation aux étudiant.e.s?
En somme, les étudiant.e.s de l’Ontario, francophones comme anglophones, ont un urgent besoin d’une plus grande accessibilité à l’éducation. Dans le contexte actuel, il semble évident que le gouvernement libéral sera incapable de livrer le genre de changement dont les étudiant.e.s ont besoin.